LA CRÉATION / Un sourire familier touche les lèvres de mon fils. C’est mon sourire. Des cheveux gris glissent entre mes doigts pendant que je fixe dans le miroir le reflet de mon père. « Tu as les yeux de ta mère », dit-il. Je souris poliment. Ce ne sont pas ses yeux, pensais-je, mais ce ne sont pas les miens non plus. Ces yeux sont plus vieux que ce dont nous pouvons nous souvenir. Quelles autres parties de moi ont-elles appartenu à un autre ? Mon rire, mon espoir, ma tristesse ?

Peut-on choisir ce que l’on transmet ? Telle une maison avec un jardin bien entretenu, durement dompté sur le chaos de la terre sauvage. Les mauvaises herbes soigneusement arrachées, les graines semées avec intention. Mais quelle que soit la beauté de mon jardin, je ne pourrais jamais revendiquer la terre. Elle m’a été transmise depuis un temps, avant le temps. Ma terre est ta terre, et sera un jour sa terre. Tout ce que je peux faire, c’est entretenir le jardin.